- PRESSIONS (PHYSIQUE ET CHIMIE DES HAUTES)
- PRESSIONS (PHYSIQUE ET CHIMIE DES HAUTES)La pression est une grandeur définie comme le quotient d’une force par l’aire de la surface sur laquelle elle s’exerce; sa valeur s’exprime en pascal (Pa): 1 Pa = 1 N . m size=1漣2. Comme le pascal est une très petite unité, on utilise souvent ses multiples: l’hectopascal, en météorologie (1 hPa = 102 Pa), le kilopascal (1 kPa = 103 Pa), le mégapascal (1 MPa = 106 Pa), le gigapascal (1 GPa = 109 Pa), le térapascal (1 TPa = 1012 Pa). L’utilisation des anciennes unités bar (1 bar = 105 Pa) et atmosphère normale (1 atm = 1 013,250 hPa) est maintenant déconseillée.L’échelle des hautes pressions dans la nature est très étendue (cf. tableau); au centre de la Terre la pression serait de l’ordre de 370 gigapascals; au sein de Jupiter, elle serait comprise, suivant les modèles considérés, entre 3,7 et 11 térapascals. Le record de pression appartiendrait aux étoiles à neutrons (1032 Pa en leur centre).En laboratoire la pression est engendrée par des méthodes statiques ou dynamiques. Dans les appareils générateurs de pression statique, les pressions les plus élevées sont obtenues au moyen de cellules à enclumes de diamant ou d’indenteurs (pointes de diamant extrêmement fines). La limite de pression est de l’ordre de 250 gigapascals. D’après la définition même de la pression, pour une substance donnée, la pression s’exerçant sur elle sera d’autant plus grande que son volume sera plus faible. Dans la pratique on utilise souvent des volumes inférieurs au millimètre cube.Par contre, dans les expériences en ondes de choc, où la pression dynamique s’exerce pendant un instant très court (quelques microsecondes), les limites de pression sont voisines de 1 térapascal et dépendent de la compressibilité de la substance étudiée (elles sont d’autant plus élevées que la compressibilité est faible).Lorsque la pression s’exerce sur une substance, elle provoque un rapprochement des particules constitutives (atomes ou molécules). Il en résulte une diminution de volume ou un accroissement de la densité de la substance. Ainsi la densité du césium est trois fois plus élevée à 10 GPa qu’à la pression atmosphérique. La compressibilité des substances diminue quand la pression s’élève; il en résulte une tendance à l’uniformisation des densités des divers éléments du tableau périodique; cette uniformisation est presque réalisée à 1 TPa.La diminution de la distance entre particules entraîne des modifications profondes d’ordre structurel ou d’ordre électronique.1. Aspects fondamentauxLes nuages électroniques des particules créent des forces d’interactions comportant une partie attractive à longue distance et une partie répulsive à courte distance. Les forces attractives sont les forces de Van der Waals [cf. ATOME], dont la partie la plus importante correspond aux forces de London, c’est-à-dire aux couplages entre les dipôles correspondant aux électrons. Les forces répulsives sont dues à la répulsion des nuages électroniques (ou, selon la mécanique quantique, au principe d’exclusion de Pauli).Dans un gaz à faible pression, les chocs entre molécules sont négligeables et la pression résulte uniquement des chocs sur les parois (gaz parfait). Lorsqu’on exerce une pression croissante, l’influence des interactions attractives est tout d’abord prédominante, mais celle des interactions répulsives l’emporte rapidement; ces dernières varient de façon très abrupte avec la distance intermoléculaire, ce qui explique en particulier la faible compressibilité de la matière dans les états denses (fluide et solide).2. Production des hautes pressionsPressions statiquesLes pressions statiques s’obtiennent en exerçant une force sur une surface. Pour atteindre les pressions les plus élevées on se sert de systèmes à enclumes tels que la cellule à enclumes de diamant (fig. 1).Lorsque la substance étudiée a un grand volume, elle peut être enfermée et comprimée dans un appareil de type piston-cylindre. Pour augmenter la résistance mécanique du réservoir, divers procédés sont utilisés, en particulier l’autofrettage qui consiste à appliquer au préalable une pression supérieure à la pression de travail, ce qui a pour effet de dilater les couches intérieures du réservoir tout en conservant élastiques les couches extérieures.Les propriétés du milieu transmetteur de pression jouent un rôle important; dans les cellules à enclumes de diamant on utilise un mélange d’alcools jusqu’à environ 13 GPa pour obtenir une pression quasi hydrostatique. Dans d’autres appareils on fait appel à des solides qui conservent une certaine plasticité (pyrophyllite, talc, nitrure de bore). L’emploi de ce dernier type de milieu permet de réaliser des appareils dits «à joint extrudable», comme les «belts» dans lesquels les pistons et la matrice ont des profils coniques (à génératrice courbe), l’extrusion du milieu entre ces éléments au cours de l’avance des pistons assurant à la fois l’étanchéité du volume interne et le soutien mécanique des pistons. La multiplication de la pression est obtenue en mettant en œuvre, par exemple, des pistons de sections différentes dans les dispositifs piston-cylindre, ou des appareils à étages multiples dont le principe consiste à enfermer complètement un appareil à haute pression dans un autre à pression moins élevée. Cette dernière technique présente toutefois l’inconvénient de conduire à des réalisations colossales (presse de 50 000 tonnes en Russie, et presse équivalente au Japon).Pressions dynamiquesLes ondes de choc peuvent être produites par des moyens mécaniques (explosifs, canons) ou par impact énergétique (faisceaux de particules, lasers). Les explosifs produisent une onde divergente que l’on fait converger vers la cible à l’aide de dispositifs appropriés (générateurs d’ondes planes, sphériques). Les vitesses atteintes sont de l’ordre de 5 à 6 km . s size=1漣1 et les pressions obtenues sont d’environ 50 GPa. Toutefois, on peut atteindre par une méthode d’implosion sphérique une pression de l’ordre de 1 TPa. Les canons sont de plusieurs types: canons à gaz pour lesquels les vitesses sont de l’ordre de 1 500 m . s size=1漣1, canons à poudre (2 000 m . s size=1漣1), canons à double étage, gaz + poudre (5 000 m . s size=1漣1), canons électriques (10 000 m . s size=1漣1).Le principe du canon à gaz est d’ouvrir brutalement une enceinte haute pression sur un projectile guidé vers le milieu étudié. Le projectile accélère les particules de la cible et engendre dans celle-ci une discontinuité qui est l’onde de choc. À l’arrière de cette onde le milieu est porté à pression et densité élevées ainsi qu’à haute température. En dehors de la vitesse du front de l’onde, l’autre grandeur caractéristique est la vitesse de déplacement des particules, qui est notablement plus faible et qui est reliée à une grandeur mesurable, la vitesse de la surface libre. Ces grandeurs sont reliées par les trois équations de conservation de l’énergie, de la masse et de la quantité de mouvement, ou équations d’Hugoniot. On détermine expérimentalement au moins deux grandeurs et on en déduit la pression, avec une précision raisonnable; par contre la température est beaucoup moins bien connue. Les quantités à mesurer: temps (face=F0019 麗 10 size=1漣6 s), vitesse (face=F0019 礪 102 m . s size=1漣1), pression (face=F0019 礪 106 Pa), nécessitent des techniques spécifiques. Les mesures continues de vitesse sont faites par exemple avec des caméras ultrarapides, des jauges électromagnétiques, ou par interférométrie Doppler-laser.Les méthodes d’impact énergétique sont développées au moyen de canons à électrons (pression de 50 à 100 GPa) et de lasers de grande puissance qui peuvent engendrer des pressions voisines de 10 TPa sur des cibles très petites (sphères de diamètre 10 micromètres).Les pressions sont couramment mesurées (cf. MESURE – Mesures mécaniques) au moyen de manomètres reposant sur les déplacements d’un élément déformable (tube de Bourdon) ou encore sur les variations de résistivité électrique de certains alliages (jauges à manganine); mais le seul instrument primaire reste la balance manométrique à piston libre (balance d’Amagat), dans laquelle on équilibre par des poids la poussée exercée par la pression sur un piston sans joint, très bien ajusté et qui se déplace pratiquement sans frottement dans un cylindre. La limite d’utilisation pratique des balances se situe vers 2,5 GPa. Au-dessus de cette valeur on utilise des techniques spécifiques à chaque type d’enceinte haute pression. Dans les appareils à enclumes de diamant on mesure le déplacement, quasi linéaire avec la pression, des raies de fluorescence R1 et R2 d’un cristal de rubis. Dans les appareils à rayons X, la maille d’un cristal de chlorure de sodium est comparée à celle déduite de l’équation d’état de ce matériau, qui est connue jusqu’à 29 GPa; au-delà de cette pression la comparaison est faite avec d’autres équations d’état (Al, Cd, Ag). On utilise une autre technique, en particulier à haute température, celle des points fixes correspondant à des transformations de phases, généralement repérées par la variation de la résistance électrique, et dont on a déterminé au préalable la pression.Rappelons que dans le cas des compressions dynamiques, la pression est déduite des équations de conservation.3. Fluides densesÉquation d’étatL’équation d’état ou encore la relation pression-volume-température est essentielle pour l’interprétation de tout phénomène physique ou chimique sous pression, car la densité (ou le volume), mais non la pression, est, avec la température, l’un des paramètres physiques importants. Les équations d’état à très haute pression sont également précieuses pour la description de l’intérieur des planètes. Ces relations s’obtiennent à partir de méthodes statiques ou dynamiques; elles diffèrent par la façon dont la pression est produite et mesurée, mais aussi par les états finaux de la substance comprimée.Les expériences d’ondes de choc sont adiabatiques et s’accompagnent d’une augmentation importante de la température, qui dans la plupart des cas ne peut être déterminée expérimentalement. En outre, par suite de la présence de contraintes à forts gradients, peuvent apparaître des états physiques ou chimiques qui ne sont pas observés dans les expériences en pression statique.Pour un matériau donné la pression est seulement limitée par la densité d’énergie de l’explosif; ainsi on a pu obtenir des pressions finales variant entre 2 TPa et 16 TPa dans des explosions nucléaires souterraines.Les pressions maximales obtenues par des méthodes statiques sont limitées par la résistance des matériaux. Ainsi, dans le cas des cellules à enclumes de diamant on arrive à une valeur de l’ordre de 250 GPa, mais la pression à laquelle la déformation plastique du diamant a été observée est voisine de 170 GPa.De nombreuses théories permettent de calculer les équations d’état, mais ces dernières sont souvent peu précises par suite de la difficulté à prendre en compte les interactions à n -corps.Pour les liquides dont l’énergie totale peut être représentée par une somme de potentiels de paires, les méthodes variationnelles permettent de faire un calcul précis des énergies libres donnant accès à l’équation d’état; les méthodes de perturbation sont également utilisées avec succès.4. Transformations de phases structurellesTransformation de phase fluide-solideComme il a déjà été indiqué plus haut, d’après la loi de déplacement de l’équilibre, la pression provoque des transformations vers les phases les plus denses, c’est-à-dire généralement vers l’état solide. En comprimant un liquide, on produira sa solidification; la pression élève donc le point de fusion [cf. THERMODYNAMIQUE], d’après la relation de Clapeyron: d T/d P = (T/L). V. Plusieurs corps font exception à cette règle, l’eau en particulier, parce que la densité du liquide est supérieure à celle du solide; mais cela n’est vrai que dans le domaine des pressions relativement basses, le comportement redevenant normal aux pressions plus élevées: ainsi la forme allotropique VII de la glace fond à + 200 0C vers 4 GPa (fig. 2). Cependant, la croissance de la température de fusion en fonction de la pression ne suit pas toujours une variation monotone mais peut présenter un ou plusieurs maximums dont l’apparition serait reliée à une transition électronique du solide.Transformations polymorphiques des solidesDans un solide, les atomes occupent des positions régulièrement distribuées, mais plusieurs arrangements sont possibles et l’effet de la pression sera de provoquer le passage vers les arrangements les plus compacts. Il s’agit donc de transformations cristallographiques dont le nombre peut être relativement élevé, comme le montre la figure 2 qui représente une partie du diagramme de phases de l’eau montrant les domaines d’existence de diverses variétés de glace. Presque tous les corps étudiés présentent, sous des pressions suffisamment élevées, des phases cristallines nouvelles. En principe, ces transformations sont réversibles, mais il est parfois possible de ramener aux conditions ordinaires des phases qui ont été formées sous des pressions et des températures élevées correspondant à leur domaine de stabilité; on opère par «trempe», c’est-à-dire par brusque refroidissement sous pression, ce qui ralentit la transformation inverse et permet de récupérer un matériau nouveau dont les propriétés (notamment les propriétés mécaniques) sont le plus souvent intéressantes en raison de sa compacité. Par exemple, la silice, dont la forme stable à basse pression est le quartz (densité 2,65 g . cm size=1漣3), se transforme à 3,5 GPa en coesite (densité 3,01 g . cm size=1漣3), puis au-dessus de 10 GPa, en stishovite (densité 4,35 g . cm size=1漣3). Cet aspect de la physico-chimie des hautes pressions a déjà donné lieu à des applications à l’échelle industrielle (cf. Applications des hautes pressions ).5. Transformations électroniques des solidesLa haute pression est un paramètre d’une grande souplesse d’utilisation pour l’étude de nombreux phénomènes électroniques. Au cours de la transformation cristallographique des substances les niveaux électroniques peuvent être profondément modifiés. Par ailleurs, les perturbations électroniques, induites par les variations de volume, peuvent être très différentes, par suite de la grande diversité des orbitales électroniques.Transitions électroniquesTransitions isolant-conducteurLa compression d’une substance isolante ou semi-conductrice agit fortement sur l’évolution de sa structure électronique. En effet, les bandes d’énergie s’élargissent et se déplacent, quand la distance interatomique décroît, et, pour une pression donnée, il se produit un recouvrement de certaines de ces bandes, se traduisant par une délocalisation d’électrons, et donc par l’apparition de l’état conducteur. Ainsi, des transitions isolant-conducteur ont été observées pour le silicium à 15 GPa, pour le germanium à 11 GPa ainsi que pour les composés des séries III-V (GaAs, GaP), II-VI (ZnS, ZnSe, CdS, CdTe) et I-VII (CuCl, CuBr). Les transitions se produisent avec un changement de structure cristalline et une variation importante de la résistivité électrique.Des transitions isolant-conducteur ont été aussi observées pour des cristaux moléculaires. Par exemple, dans le cas de l’iode on a trouvé une variation importante de sa résistivité, suivant l’orientation du cristal, entre 13 et 17 GPa. Pour des pressions plus élevées jusqu’à 20 GPa, l’iode devient un métal diatomique, qui se transforme à 20,5 GPa en un métal monoatomique, avec une très faible variation de volume.Dans le cas des gaz rares, solides sous pression, les analyses théoriques ont montré que pour le xénon on devait obtenir l’état métallique au-delà de 100 GPa. Expérimentalement, cette valeur de la pression de transition a été confirmée par l’étude du déplacement du bord d’absorption de la lumière. Par ailleurs, de nombreux essais ont été effectués pour transformer l’hydrogène moléculaire en un métal; cette transition devrait se situer entre 200 et 600 GPa.On a aussi observé la transition isolant-conducteur dans les cristaux ioniques, comme l’iodure de thallium.Transitions électroniques dans les métauxLes transitions électroniques dans les métaux sont dues à une modification de la distribution des électrons sur les couches électroniques, et ont été observées en particulier dans les métaux alcalins, les métaux alcalino-terreux et les terres rares. Ainsi, comme il a été indiqué plus haut, le césium subit au voisinage de 4 GPa une contraction accompagnée d’une brusque augmentation de sa résistivité électrique. Ce phénomène a été interprété comme le passage d’un électron 6s sur la couche électronique 5d . Dans le cas du cérium, une anomalie de la résistance électrique à 700 MPa a été associée à un saut d’un électron 4f sur la couche électronique 5d .SupraconductivitéLa variation avec la pression des températures de transition c et des champs critiques Hc a été étudiée pour les supraconducteurs de type I et II. En outre, environ un tiers des éléments et de nombreux composés deviennent supraconducteurs dans leurs phases haute pression. Les premiers supraconducteurs organiques ont été découverts sous pression: le composé (TMTSF)2 P6 devient supraconducteur au-dessus de 600-800 MPa, à la température de 1,2 K. Signalons pour terminer que certaines théories ont prédit que la forme métallique de l’hydrogène devrait avoir la particularité remarquable d’avoir une température de transition élevée de l’état supraconducteur.MagnétismeOn étudie les interactions dans les systèmes magnétiques sous pression par des techniques de diffusion des neutrons, de résonance magnétique nucléaire, d’effet Mössbauer, ainsi que par la mesure de la magnétisation ou de la susceptibilité magnétique. Les températures de Néel et de Curie ainsi que la magnétisation varient avec la pression. Ainsi, on a pu montrer que la phase 﨎 du fer, qui est stable au-dessus de 12 GPa, est non magnétique, ce qui est une découverte importante pour la géophysique.Dans les terres rares et les actinides, les propriétés magnétiques sont influencées par le degré de localisation des électrons f et par le champ électrique. Une variation de pression entraîne une modification relative de ces deux effets, ce qui entraîne un changement important de leurs propriétés magnétiques.Nouveaux types de réactivité chimiqueLa pression a tendance à stabiliser l’état excité des complexes donneur d’électron-accepteur se formant entre une base organique (donneur) et une molécule organique acide ou un halogène (accepteur).Excitations électroniquesLa pression qui introduit un degré de liberté supplémentaire est un bon outil pour tester la validité des théories décrivant les phénomènes électroniques, tels que la largeur des bandes d’énergie dans les cristaux, les effets de luminescence ou les surfaces de Fermi. Enfin, signalons que la pression peut modifier considérablement les propriétés de nouveaux matériaux formés de nombreuses couches alternées, d’épaisseur uniforme (ex: GaAs,Gax Al1 size=1漣x As), matériaux constituant une nouvelle classe de semi-conducteurs (diodes laser).6. Hautes pressions et planétologieL’intérieur de la Terre est caractérisé par l’existence de pressions élevées (cf. tableau), dont les valeurs sont assez bien connues à partir des données expérimentales sur les vitesses de propagation des ondes sismiques en fonction de la profondeur ainsi que de la masse et de l’inertie de la Terre. La détermination des températures, bien que beaucoup plus imprécise, conduit à des valeurs qui atteindraient 4 000 kelvins au centre. Dans ces conditions, il est certain que de multiples transformations de phase doivent intervenir. La composition est difficile à déterminer et les progrès dans ce domaine dépendent étroitement de l’extension des connaissances relatives aux propriétés des phases nouvelles sous pression. Il semble que dans le manteau (jusqu’à une profondeur de 2 900 km) la composition chimique soit essentiellement à base de silicates. Pour le noyau, on avait avancé l’hypothèse d’une composition voisine de celle du manteau, mais dans un état métallique résultant de transformations de phase électroniques. Mais il semble que les données puissent être interprétées simplement par une composition à base de fer, avec en outre des formes métalliques denses des constituants du manteau. Des progrès importants pour l’étude de la structure interne de notre planète sont attendus, avec l’utilisation de cellules à enclumes de diamant dans lesquelles on peut développer des températures de plusieurs milliers de degrés par chauffage laser sous des pressions dépassant celle du centre de la Terre.Les planètes intérieures (Terre, Mercure, Mars et Vénus) sont très différentes en taille et en composition des planètes extérieures (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune). Les premières sont constituées principalement de minéraux inorganiques, alors que les secondes contiennent, à très haute température (jusqu’à 20 000 K) et très haute pression (de 3,7 à 11 TPa dans Jupiter), des fluides de faible masse moléculaire, comme l’hydrogène, l’hélium, l’ammoniac, l’eau et le méthane.7. Chimie et physico-chimieLa réactivité dans l’état solide à haute pression a été observée et associée aux études en géochimie. Elle peut être reliée à une modification de structure qui entraîne celle des liaisons chimiques, ainsi qu’à une modification de l’état de valence ou à une décomposition.Certaines molécules organiques, ainsi que l’oxyde de carbone, l’oxyde d’azote, l’anhydride sulfureux, qui sont stables photochimiquement à la pression atmosphérique, réagissent en présence de lumière, à haute pression.On a beaucoup étudié la synthèse de matériaux organiques et inorganiques à haute pression, ce qui a permis d’obtenir des informations sur les mécanismes des réactions chimiques, les effets de solvant, etc.8. Applications des hautes pressionsL’intervention des hautes pressions est constante et importante dans presque toutes les techniques de production et d’utilisation d’énergie mécanique (moteurs, turbines, presses, armes, propulseurs divers...). À ce point de vue, l’étude des propriétés de la matière, principalement à l’état fluide, dans des conditions élevées de pression (et aussi de température) apporte les données indispensables au développement de ces techniques. Quelques exemples d’application suivent, qui concernent la mise en œuvre pratique des effets spécifiques de la pression sur les propriétés de la matière.Élaboration de matériauxL’élaboration de matériaux est très générale et porte aussi bien sur la production de matériaux existant déjà dans la nature que sur celle de matériaux nouveaux constitués par les phases haute pression.On effectue la recristallisation par voie hydrothermale, en faisant usage d’eau supercritique, additionnée d’agents complexants pour assurer la dissolution et le transport du corps à recristalliser. Le quartz est produit industriellement par ce procédé (conditions voisines de 400 0C et 150 MPa). Dans cette technique la pression facilite la dissolution en permettant l’augmentation de la température.Des pressions modestes (de quelques centaines de MPa) sont indispensables dans de nombreuses synthèses organiques, et ces dernières, en particulier les réactions de polymérisation, sont utilisées à grande échelle dans l’industrie chimique (polymérisation de l’éthylène vers 250 0C et 150 MPa).La production de phases stables est possible sous haute pression. L’exemple le plus célèbre dans ce domaine est celui du diamant qui, étant une forme dense du carbone cristallisé, n’est pas la phase stable à la pression ordinaire. La conversion directe du graphite (hexagonal) en diamant (cubique) se produit avec une extrême rapidité le long de la courbe de fusion extrapolée du graphite (fig. 3), c’est-à-dire à des pressions dépassant 13 GPa, mais les cristaux obtenus dans ces conditions ont eu jusqu’ici des dimensions inférieures au micromètre, car la diffusion n’a pas le temps d’intervenir. On utilise, pratiquement, un procédé de conversion indirect à partir d’une solution de graphite dans un métal approprié, notamment du fer ou du nickel, dans des conditions voisines de 4,5 à 6 GPa et 1 400 à 1 700 0C (région en grisé du diagramme de la figure 3). Ces diamants ont des dimensions allant d’une fraction de millimètre à quelques millimètres et sont utilisés dans l’industrie comme abrasifs (meules notamment). Les temps de croissance du cristal sont en général inférieurs à une heure, sauf si les cristaux sont volumineux (jusqu’à 5 mm de largeur).La synthèse du nitrure de bore cubique est semblable à celle du diamant. Le matériau de départ est le nitrure de bore hexagonal, avec un catalyseur comme le lithium. Les conditions physiques de pression, de température et de temps de confinement sont semblables à celles que l’on a pour le diamant. Le nitrure de bore cubique est préférable au diamant pour la fabrication d’outils abrasifs utilisés dans l’usinage des aciers durs ou des alliages à base de nickel.Frittage et densification sous pressionLe frittage du diamant devrait s’effectuer dans un domaine de température compris entre 1 800 et 2 400 0C, et à des pressions variant entre 7 et 10 GPa. Cependant, il est possible de travailler dans des conditions de température et de pression plus faibles, en utilisant un catalyseur comme le fer, le cobalt ou le nickel. Le frittage réalisé entre 5,5 et 6 GPa, à des températures voisines de 1 450 0C, fournit un composé qui a suffisamment de liaisons diamant-diamant pour être très résistant. Le mécanisme du phénomène est probablement une recristallisation du diamant, par suite des différences de contraintes locales. Fréquemment, les grains de diamant sont frittés in situ en une couche fine sur un outil formé d’un bloc de carbure de tungstène. La taille des grains de diamant peut varier de 0,01 à 0,1 mm; la couche de diamant polycristallin, d’environ 1 mm d’épaisseur, est très dure et résistante. Ces outils sont utilisés pour couper et usiner des matériaux non ferreux comme les céramiques, ou dans les forages pétroliers.Le frittage du nitrure de bore cubique est réalisé à environ 1 500 0C et 5,5 GPa, en utilisant principalement deux méthodes: dans le premier cas, on utilise un mélange de deux variétés de nitrure de bore, l’une ayant une structure cubique, l’autre celle de la wurzite; cette dernière légèrement instable joue le rôle de liant. Dans le second cas, des grains de nitrure de bore cubique sont mélangés à un alliage d’aluminium. Le nitrure de bore peut être fritté sur un support métallique très dur, et utilisé comme outil de coupe des aciers durs.Le frittage des céramiques a des applications industrielles importantes. L’utilisation de la haute pression peut réduire la température de frittage, conduisant à des matériaux dont la taille des grains est plus fine, et avec moins de liant que dans les céramiques frittées ordinaires.Conditionnement par choc de solidesDes céramiques soumises à des chocs explosifs voient leur réactivité accrue dans les procédés de frittage et de formage à chaud: c’est le cas par exemple de l’alumine, des carbures de bore ou de silicium. Il est aussi possible que des céramiques conditionnées par choc présentent une activité catalytique accrue dans de nombreuses réactions chimiques.Transformation des matériauxL’influence de la pression modifie les propriétés mécaniques des matériaux de façon complexe, mais un des effets les plus remarquables est l’extension du domaine des déformations plastiques, avant rupture. On met à profit cette propriété dans divers types de formage, dits «hydrostatiques», dont l’exemple le plus simple est celui de l’extrusion . La billette se trouve placée dans un réservoir rempli de fluide sous pression et est chassée à travers la filière sous l’action de ce fluide, alors que dans le procédé conventionnel elle est soumise à l’action directe d’un piston. Il en résulte plusieurs avantages, en particulier une meilleure répartition des contraintes au sein de la matière, d’où un meilleur état mécanique et aussi un meilleur état de surface. Il est possible de travailler industriellement jusqu’à 2 GPa au moins et d’extruder, à froid, des matériaux qui ne pouvaient être filés qu’à chaud, ou même pas du tout (aciers fortement alliés, bronze à haute teneur en manganèse, béryllium, manganèse...).Compactage isostatique à chaudDe nombreux matériaux frittés peuvent être comprimés à chaud de façon isostatique avant ou pendant le frittage à température élevée , ce qui permet un meilleur contrôle de la forme, de la densité et de la taille des grains du produit fini. Les défauts de moulage sont, en particulier, éliminés. Les pressions mises en jeu sont de quelques centaines de MPa, et les enceintes de compactage sont relativement grandes (600 mm de diamètre); les températures peuvent atteindre 2 000 0C, et le gaz utilisé est en général l’argon.Soudure des métaux par explosionLes techniques de soudure par explosion sont particulièrement intéressantes pour les métaux fragiles comme le tungstène ou le molybdène. On peut aussi faire des soudures par point en utilisant de petites masses d’eau animées de grande vitesse.Découpage par jets d’eau sous pressionOn utilise des jets d’eau continus ou pulsés, à des pressions allant jusqu’à 800 MPa, pour réaliser des usinages, ainsi que le découpage de matériaux en feuilles ou de substances dures, comme le béton ou les roches.Extraction supercritiqueUn solvant dans des conditions supercritiques voit son pouvoir de dissolution considérablement accru. La principale différence entre l’extraction par fluide supercritique et l’extraction par un solvant conventionnel est dans la méthode de récupération du solvant. En diminuant la pression, le fluide supercritique perd son pouvoir de dissolution et le produit extrait précipite. Ce procédé est utilisé dans la décaféination du café, l’extraction des épices et des parfums. Dans le cas de la récupération tertiaire du pétrole, on se sert des mélanges méthane-gaz carbonique à haute pression. Dans l’extraction du charbon, on utilise le toluène et l’eau à des températures de 350-450 0C et à des pressions de 10 à 20 MPa. Les constituants lourds du charbon sont ainsi pyrolisés, et les produits organiques riches en hydrogène qui en résultent, sont dissous dans le fluide supercritique, permettant leur extraction.
Encyclopédie Universelle. 2012.